Climat : qu’est-ce que "L'Affaire du siècle" qui arrive devant justice aujourd’hui ?

14 janvier 2021 à 11h00 par Iris Mazzacurati avec AFP

VIBRATION
Le rapporteur public devrait demander la reconnaissance d'une faute de l'Etat à respecter ses propre
Crédit : Pixabay

"L'Affaire du siècle" arrive jeudi 14 janvier devant la justice, une étape clé pour les défenseurs du climat qui espèrent la reconnaissance d'une défaillance de l'Etat dans la lutte contre le réchauffement.

Deux ans après le lancement de cette procédure, accompagnée de 2,3 millions de signataires d'une pétition en ligne sans précédent, les quatre ONG requérantes - Notre Affaire à tous, Greenpeace France, Fondation Nicolas Hulot et Oxfam France - retrouvent les représentants de l'Etat devant le tribunal administratif de Paris.

"Si L'Affaire du siècle gagne, ce serait une décision historique pour la justice climatique en France. Ça mettrait le politique face à ses contradictions écologiques : beaucoup de discours et très peu d'actes", indique à l'AFP Cécilia Rinaudo, coordinatrice de Notre Affaire à tous.

"La condamnation d'un Etat pour inaction climatique serait historique, et pas seulement en France", poursuit Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France, soulignant le parallèle avec l'affaire Urgenda, devenue le modèle de la récente montée en puissance de la justice climatique.

En décembre 2019, la Cour suprême des Pays-Bas avait ainsi ordonné au gouvernement néerlandais de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays d'au moins 25% d'ici fin 2020.

Mais une décision définitive de la justice française n'est pas encore pour demain. Jeudi, les conclusions du rapporteur public, dont les parties ont reçu un aperçu, seront écoutées avec attention, même si elles ne se seront pas nécessairement suivies par le tribunal. Selon des sources concordantes, il devrait demander la reconnaissance d'une faute de l'Etat à respecter ses propres engagements de réduction d'émissions de gaz à serre.

"Notre volonté profonde (...) que l'Etat agisse"


Le gouvernement rejette lui les accusations d'inaction, mettant en avant notamment la loi énergie-climat de 2019 qui "renforce les objectifs climatiques", en visant la neutralité carbone à l'horizon 2050 ou une baisse de 40% de la consommation d'énergies fossiles d'ici 2030.

Mais en novembre dernier, le Conseil d'Etat, dans une décision qualifiée d'"historique" par les défenseurs de la planète, a lui-même noté que la France, qui s'est engagée à réduire de 40% ses émissions d'ici 2030 par rapport à 1990, a dépassé le budget carbone qu'elle s'était fixée.

Et la plus haute juridiction administrative française, saisie par la commune de Grande-Synthe qui s'estime menacée de submersion sur le littoral du Nord, a donné trois mois à l'Etat pour justifier de ses actions en matière de réduction des émissions de CO2. Cette décision, qui s'ajoute à celle de la même juridiction ayant donné en juillet six mois à l'Etat pour agir contre la pollution de l'air sous peine d'une astreinte record, encourage les militants écologistes.

"On voit bien qu'il y a un durcissement de ton de la justice française envers l'État quand il ne respecte pas ses propres engagements, et derrière, le droit des populations à vivre dans un environnement sain", indique Marie Toussaint, co-fondatrice de Notre Affaire à tous, désormais eurodéputée écologiste.

Les ONG, qui mobiliseront leurs militants en ligne jeudi faute de pouvoir les faire venir au tribunal, espèrent aussi qu'une victoire en justice pourrait modifier le rapport de force politique au moment où le projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qu'ils estiment largement en deçà de l'enjeu, sera bientôt présenté en Conseil des ministres.

"On espère un sursaut", commente Cécile Duflot. "Notre volonté profonde n'est pas de faire condamner l'Etat, c'est que l'Etat agisse", assure l'ancienne ministre.