Evoquer la liberté d’expression en cours : témoignage d’un professeur d’histoire-géo de Sens

21 octobre 2020 à 5h20 par Etienne Escuer

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Un professeur d'histoire-géographie sénonais raconte la façon dont il aborde la liberté d'expression
Crédit : Rédaction / Etienne Escuer

Alors qu'un hommage national doit être rendu ce mercredi 21 octobre à Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie dans un lycée de Sens témoigne des difficultés qu'il a pu rencontrer, parfois, en cours.

Tué pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo, lors d’un cours sur la liberté d’expression. L’assassinat de Samuel Paty, cet enseignant d’histoire-géographie des Yvelines, a particulièrement touché ses confrères et consœurs, qui observent depuis quelques années une difficulté à évoquer certains sujets en cours. La matière est-elle vraiment plus compliquée à enseigner aujourd’hui ? « Je ne dirais pas qu’elle est devenue difficile à enseigner, parce que c’est une matière appréciée des élèves », témoigne Damien Varenne, professeur d’histoire-géographie au lycée Catherine et Raymond Janot, à Sens, dans l’Yonne, et également co-président de l’association des professeurs d’histoire-géographie de Bourgogne. « Mais c’est vrai que quand on aborde certains points particuliers, il peut y avoir des situations compliquées. Cela peut-être les sujets liés au complotisme, comme le 11 septembre 2001, ou les sujets religieux. » L’enseignant tient toutefois à rappeler que ces incidents restent minoritaires. « On a un ou deux cas de temps en temps, sachant qu’on peut avoir 150 élèves chaque année. Ça reste minoritaire mais oui, ça apparaît plus souvent qu’autrefois. »

 

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Important d'évoquer la liberté d'expression en cours

Les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo, Damien Varenne les a lui aussi montrées à ses élèves. C’était en janvier 2015, au moment des attentats, alors qu’il enseignait dans un collège. Ses élèves avaient voulu évoquer le sujet en classe, et il lui semblait impossible de débattre sans avoir les caricatures sous les yeux, pour mieux comprendre et contextualiser. « De la part de quelques élèves, très peu, oui, j’ai eu des réactions », confie-t-il. « Ils n’étaient pas choqués, mais se sont sentis agressés. Mais cela s’est très vite calmé parce que j’ai tout de suite mis les choses en perspective et montré qu’il n’y avait pas d’agression caractérisée vis-à-vis de la religion musulmane et que c’était une critique des religions en général. Et comme j’avais des élèves assez intelligents, cela s’est calmé immédiatement. »

 

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Pour Damien Varenne, évoquer ces sujets de la liberté d’expression et de la laïcité en cours avec les élèves est fondamental et ne doit pas être remis en cause. « On forme quand même des citoyens, qui vont voter dans quelques années, qui vont devoir être éclairés », explique l’enseignant. « Nous, on est là pour leur apprendre à développer leur esprit critique. »

 

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Etre soutenus par la hiérarchie

Faudrait-il mieux former les enseignants à aborder ces sujets ? Damien Varenne estime qu’il l’a été suffisamment via son parcours, mais concède que cela pourrait peut-être servir à certains de ses collègues. Pour lui, la priorité est toutefois ailleurs. « Il faut absolument qu’on soit soutenus par la hiérarchie quand l’affaire déborde de la classe », réclame-t-il.

 

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Ce mercredi, lors de l’hommage national à la Sorbonne à 19h30, Samuel Paty sera décoré de la légion d’honneur à titre posthume.