Vaccination des bovins : pourquoi la France ne vaccine pas tout le cheptel

Publié : 9h07 par Alicia Méchin

Crédit image: Pixabay

Face à la progression de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), une maladie virale qui touche les bovins, le gouvernement français a annoncé une campagne de vaccination ciblée.

Selon la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, ce sont environ 750 000 bovins qui seront vaccinés « le plus rapidement possible ». Cette vaccination concernera uniquement les départements où des foyers ont été identifiés ainsi que les zones intégrées au cordon sanitaire mis en place autour des territoires touchés.

Au vu de l’ampleur que prend cette affaire, ça ne serait pas plus logique de vacciner tous les bovins en France ? 

Intuitivement, une vaccination généralisée semble être la solution la plus protectrice pour les animaux et pour les éleveurs. Pourtant, la réponse sanitaire et juridique est loin d’être aussi simple.

La situation repose sur une contradiction méconnue du droit sanitaire européen : la vaccination contre la dermatose nodulaire contagieuse est à la fois autorisée, voire obligatoire dans certains contextes… et en pratique dissuadée, voire interdite à grande échelle. Cette apparente incohérence s’explique par les conséquences qu’entraîne un acte de vaccination.

Vacciner un animal n’est pas un geste neutre sur le plan réglementaire. En reconnaissant la nécessité de vacciner, un État reconnaît implicitement que le virus circule, ou qu’il existe un risque sérieux de circulation sur son territoire. Or cette reconnaissance a un impact majeur sur le statut sanitaire du pays.

Le statut sanitaire « indemne » est un élément clé pour les échanges commerciaux. Il conditionne l’exportation d’animaux vivants, de viande, de lait et de nombreux produits dérivés. Perdre ce statut, ou retarder son rétablissement, peut avoir des conséquences économiques considérables pour la filière bovine.

C’est ici que se dessine le dilemme stratégique. Une vaccination massive, même préventive, peut prolonger les restrictions sanitaires et commerciales pendant plusieurs mois, voire davantage. À l’inverse, une politique d’abattage rapide des troupeaux infectés permet de circonscrire la maladie plus vite et de déclarer son éradication dans des délais plus courts, facilitant ainsi le retour au statut « indemne ».

Dans ce contexte, la stratégie retenue par les autorités vise un équilibre délicat. La vaccination ciblée protège les animaux dans les zones les plus exposées, tout en limitant l’impact réglementaire sur l’ensemble du territoire. L’abattage, aussi choquant soit-il pour le grand public, reste un outil central de gestion sanitaire à l’échelle européenne.

La vaccination protège les animaux individuellement. Mais l’abattage ciblé protège le statut sanitaire du pays, et donc l’ensemble de la filière bovine. En réalité, ce n’est pas seulement le virus qui oriente la stratégie, mais les conséquences sanitaires, juridiques et économiques de sa reconnaissance officielle. Cette logique, souvent incomprise, illustre la complexité des décisions en matière de santé animale à l’échelle nationale et européenne.

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