À travers un livre-enquête, un journaliste s’infiltre dans les milieux complotistes
Publié : 21 mai 2024 à 6h00 par Hugo Harnois
Le journaliste Elliot Wax a récemment sorti son premier livre : « À la recherche de mon frère ». Une enquête qui l’a mené dans les sphères complotistes.
« À la recherche de mon frère ». C’est le nom du livre que vient de sortir le journaliste Elliot Wax. Une enquête sur la complosphère qui lui a permis d’infiltrer un parti politique et un média pendant six mois. Une « quête personnelle » pour l’auteur ayant un frère devenu complotiste il y une dizaine d’années. « Son complotisme allait crescendo jusqu’à atteindre son paroxysme pendant le Covid », explique le journaliste : « on avait des débats sans fin, et un jour il m‘a dit quelque chose qui m’a profondément blessé. Je me suis dit que soit j’arrêtais de lui parler, soit j’essayer de le ramener à la raison. »
"Des gens sympathiques, bienveillants, très gentils"
Voilà pourquoi Elliot a décidé la seconde option en écrivant un livre « qui se lit un peu comme un roman d’espionnage ». Car l’infiltration est bien au cœur de « À la recherche de mon frère ». Et contrairement à ce qu’il pensait, Elliot est tombé sur « des gens sympathiques, bienveillants, très gentils. J’ai même gardé des rapports d’amitié avec certains d’entre eux. Et ceux avec qui je suis resté amis n’ont pas mal pris ma trahison, ça les a étonnés, mais pas bouleversés. »
Au-delà des personnes proches de la complosphère, l’écrivain a également rencontré de nombreux professionnels spécialisés sur ce genre de questions : « en gros ce qu’ils expliquent, c’est que ça ne sert à rien de ramener votre proche complotiste à la raison. Il faut au contraire éviter de parler des sujets qui fâchent et trouver des choses qui nous rassemblent pour maintenir un lien. Accepter l’idée qu’il ne changera pas d’avis, c’est le message principal que j’ai retenu. »
Comment devient-on complotiste ?
S’il n’a jamais été tenté de croire à une théorie du complot, Elliot assure que c’est parce qu’il est devenu adulte au moment où YouTube a explosé. « Je fais partie de cette première génération qui a vu naitre le phénomène complotiste, la révélation des pyramides, Soral, etc… je connaissais assez bien cette culture. » Il n’a donc jamais adhéré à ce genre de pensées, et précise qu’il est compliqué de comprendre les motivations qui poussent certains à devenir complotiste : « il n’y a pas de raisons définitives sur ce qui nous pousse à devenir complotiste. Un ancien YouTubeur et ancien toxicomane que j’ai interviewé disait que, comme dans la drogue, ce qu’il recherchait dans le complotisme, c’était une espèce de moment d’extase, une impression de surnager au milieu de la masse. » D’autres peuvent être rassurés de retrouver des personnes qui « pensent comme eux » en ayant l’impression d‘appartenir à une plus grande cause, comme durant le Covid, par exemple.
Pour lutter contre ce phénomène, l’écrivain soutient que « la prévention est plus efficace que la correction », et qu’il faut « développer des cours d’esprit critique à l’école pour nous mettre en garde contre nos biais cognitifs, et expliquer pourquoi on peut être attiré par une théorie, et pas par une autre. »
Enfin aujourd’hui, le journaliste explique que les rapports avec son frère sont toujours compliqués, mais, « fort de cette enquête, on repart sur de nouvelles bases et je sais comment me comportais avec lui. On a toute une relation à reconstruire. »
"À la recherche de mon frère", aux Éditions Gouttes d'or.