Biopics au cinéma : stop ou encore ?

22 mai 2024 à 6h00 par Hugo Harnois

Bob Marley : One Love
Bob Marley : One Love
Crédit : Copyright Paramount Pictures Germany

Tout le monde est allé en voir au cinéma : les biopics continuent d’être plébiscités dans les salles obscures. Focus sur un genre cinématographique qui pourrait – peut-être – s’essouffler ces prochaines années.

Freddy Mercury, Bob Marley, Elvis Presley, Elton John, Amy Winehouse… Tous ces artistes ont un point commun : leur vie a récemment été racontée à travers un film, un biopic plus précisément, qui consiste à construire un film autour du destin d’une personnalité connue. Ce genre cinématographique est né à Hollywood dans les années 1930, avec notamment deux films produits par Warner Bros sur des figures françaises majeures : Émile Zola et Louis Pasteur. Deux longs-métrages qui « ont eu immédiatement du succès. Et il va se passer ce qu’il se passe toujours à Hollywood : dès qu’il y a du succès, on s’en empare, et tant que le filon n’est pas épuisé et que les spectateurs continuent d’aller voir les films, on en produit », analyse Fabien Delmas, maitre de conférences en étude cinématographique à l’université.

 

Un genre "facile" à réaliser

Depuis qu’il a vu le jour il y a presque un siècle, on remarque que le biopic a toujours beaucoup de succès auprès des spectateurs du monde entier. Genre que l’on pourrait qualifier de « facile » à réaliser puisque l’histoire du personnage existe déjà, le biopic permet aussi aux acteurs et aux actrices qui s’y frottent d’avoir davantage de chances de remporter des Oscars. « Quand on est un spectateur lambda et qu’on cherche à aller voir un film le samedi soir, on va, de fait, avoir un peu plus d’empathie et un penchant plus prononcé pour aller voir un film sur Bob Marley ou Amy Winehouse, car ce sont des icônes qui font l’unanimité. Et ce sont des films généralement assez familiaux », poursuit Fabien Delmas.

Certains critiquent en revanche le côté trop scolaire du biopic. Un argument rapidement balayé par le maître de conférence : « reprocher à un biopic d’être scolaire, cela reviendrait à reprocher à un film musical d’avoir des séquences musicales, ça fait partie du genre. Il y a donc dans le biopic un côté romanesque, didactique aussi. Mais ce sont aussi des récits qui sont censés développer une pédagogie, car souvent, une morale est mise en avant, cela induit un côté un peu conventionnel. »  

 

Et en France ?

Un aspect qui n’empêche pas certains cinéastes de s’éloigner de la biographie « classique » d’un artiste en proposant une vision personnelle et originale du sujet traité. Deux exemples parmi d’autres : Sofia Coppola pour Priscilla, ou encore Todd Haynes pour I’m not There, sur Bob Dylan.

On évoque exclusivement le cinéma américain, mais les biopics sont aussi produits chez nous, en France. On peut, entre autres, citer Cloclo, Suprêmes, Aline, Boléro ou encore La Môme. « En France, c’est vrai que c’est moins prononcé, ce type d’exercice est moins ancré. Ici, le biopic est davantage connecté avec de grosses productions luxueuses mettant en avant les grandes heures de la culture française. Cloclo et La Môme s’inscrivent dans cette veine-là. Et ça va de pair avec les politiques menées par certain studio comme Pathé pour remettre sur rails des productions ambitieuses comme Les Trois Mousquetaires et Le Comte de Monte Cristo », appuie le cinéphile.

 

En perte de vitesse ?

On assiste pourtant à une sorte de paradoxe, car si on a l’impression d’assister à une multiplication des biopics au cinéma, le maître de conférence a le sentiment qu’on se dirige tout droit vers « une sorte de plafond. Les productions vont sans doute, pour moi, réduire la voilure ». Fabien Delmas évoque notamment les derniers Back to Black et Bob Marley : One Love pour évoquer « une limite » du genre cinématographique : « les observations qu’on peut avoir sont plus mitigées, ces films ne sont pas à la hauteur de l’aura de ces artistes. »

Pour se faire comprendre, le spécialiste dresse également une comparaison avec les films de super-héros : « ce sont deux genres ayant structuré, à des échelles différentes, la production de ces dix, quinze dernières années. Et il y a un ralentissement pour les deux, ce qui va redéfinir la politique des studios vis-à-vis de ces genres. » 

N’empêche, le biopic n’a pas dit son dernier mot. Il n’y a qu’à citer le prochain film tourné autour de Bruce Springsteen, qui est actuellement en préparation. Par ailleurs, les salles obscures connaissent encore une crise de fréquentation. C’est pourquoi les studios veulent réunir les spectateurs grâce à des « sujets fédérateurs, et il n’y a rien de plus fédérateur qu’une icône culturelle », conclut l’universitaire.