Retraites : « pas de nécessité d’une réforme immédiate », selon une spécialiste orléanaise

19 janvier 2023 à 7h00 par Étienne Escuer

La réforme des retraites entre en vigueur ce 1er septembre.
La réforme des retraites entre en vigueur ce 1er septembre.
Crédit : JOEL SAGET / AFP

Alors qu’une première mobilisation contre la réforme des retraites est prévue ce jeudi 19 janvier, une professeure de sciences économiques, Anne Lavigne, donne son avis sur les mesures annoncées.

La colère de la rue peut-elle faire reculer le gouvernement sur la réforme des retraites ? Les syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU, Solidaires) appellent ce jeudi 19 janvier à la mobilisation partout en France. Dans leur viseur, notamment, le recul de l’âge légal de départ à la retraite, de 62 à 64 ans. Le calendrier de l’augmentation de la durée de cotisation à 43 annuités, prévu par la réforme Touraine, a lui été accéléré.

 

Professeure de sciences économiques à l’université d’Orléans et membre du Conseil d’orientation des retraites (Cor) jusqu’en juillet 2022, Anne Lavigne « ne partage pas l’avis d’une nécessité d’une réforme immédiate du système des retraites avec les mesures qui ont été annoncées. » Si elle reconnait un déficit du système pour les dix années à venir, « il représente 0,2 à 0,3% du PIB, ça ne me paraît pas insurmontable », poursuit-elle. Aujourd’hui, le système est financé à environ 80% par les cotisations sociales, et 20% par l’impôt.

 

"Un choix politique"

 

Les mesures annoncées par le gouvernement étaient-elles les seules possibles ? Non, selon Anne Lavigne. « On peut augmenter le taux de cotisation, mais cela rend plus cher le coût du travail », explique-t-elle. « On peut aussi baisser le niveau des pensions, avec des degrés d’indexation moindres, ou encore agir en dehors du système des retraites, avec des mesures liées à la fiscalité des retraités. » Pourquoi privilégier alors une mesure comme le report de l’âge légal de départ ? « Ce n’est que de la politique ! Ce n’est pas infamant mais c’est un choix. En maintenant les séniors en emploi, on paye des pensions pendant moins longtemps tandis qu’on paye plus de cotisations. C’est ce bouclage macro-économique que le gouvernement a en tête. »

 

Que penser de la réforme annoncée par le gouvernement ? Anne Lavigne note quelques mesures qui vont dans le bon sens. « Le gouvernement est revenu sur les critères de pénibilité et les a étendus », note la professeure de sciences économiques. « Fermer certains régimes spéciaux est aussi une bonne chose dans la simplification de notre paysage du système de retraites. Il y également des mesures de justice, concernant les petites retraites. » En revanche, sur d’autres aspects, Anne Lavigne est plus partagée. « Le niveau de vie des retraités est légèrement supérieur à celui des actifs. On aurait pu décider de mettre à contribution les retraités aisés, avec un alignement des taux de CSG. Un actif rémunéré au SMIC a un taux de CSG supérieur à celui d’un retraité avec une pension de 3.000 euros par mois. Les retraités bénéficient aussi d’un abattement pour frais professionnels de 10% alors qu’ils n’ont pas de frais. On pourrait envisager la suppression de cette niche fiscale. »

 

Une réforme "brutale"

 

Autre écueil de cette réforme : la rapidité avec laquelle elle va s’appliquer, dès l’été, si le texte est voté au Parlement. « Les générations nées entre 1961 et 1966 n’ont aucun moyen de se retourner. Tous leurs projets de fin de carrière se retrouvent assez brutalement remis en cause », note Anne Lavigne. « Les générations 1965 et 1966 devaient cotiser 41 annuités et trois mois, ce sera désormais 42 annuités et 9 mois. C’est vraiment brutal. »

 

Prochaine étape pour le projet de loi de réforme de retraites : la présentation en Conseil des ministres, le 23 janvier. Suivra une première lecture à l’Assemblée nationale dans les semaines à venir.