Affaire Émile : d’une mise en examen à partie civile

Publié : 9h14 par Alicia Méchin

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Placés en garde à vue il y a quelques mois, des membres de la famille du petit Émile ont été entendus récemment en tant que partie civile. On décrypte ce mécanisme judiciaire.

Dans le cadre de l’enquête sur la disparition et la mort du petit Émile, les grands-parents de l’enfant, ainsi que son oncle et sa tante, ont été convoqués le 9 décembre dernier devant les juges d’instruction du pôle criminel d’Aix-en-Provence. Cette fois, ils n’étaient pas entendus comme suspects, mais dans le cadre d’une audition de partie civile.

Comment est-ce possible ? Comment peut-on passer d’une garde à vue très lourde… à une audition comme partie civile ?

Pour beaucoup, cette situation a semblé contradictoire. Comment des proches peuvent-ils passer d’une garde à vue pour des faits aussi graves que l’homicide volontaire et le recel de cadavre, à une audition en tant que victimes reconnues par la justice ? Cette question révèle surtout une profonde méconnaissance du fonctionnement réel de l’instruction judiciaire en France.

Être partie civile signifie, juridiquement, être considéré comme victime ou comme personne lésée par une infraction. Cela n’implique en aucun cas un soupçon de culpabilité. Au contraire, ce statut permet aux personnes concernées d’avoir accès au dossier, d’être informées de l’avancée de l’enquête et de faire valoir leurs droits. Il est donc fondamental de comprendre que ce rôle est à l’opposé de celui de mis en cause ou de suspect.

Pour saisir cette évolution, il faut revenir à un principe fondamental du droit pénal français, souvent ignoré du grand public : l’instruction à charge et à décharge. Contrairement à une idée reçue, les juges d’instruction ne sont pas chargés de « trouver un coupable » à tout prix. Leur mission légale est bien plus exigeante : ils doivent rechercher à la fois les éléments qui pourraient accuser une personne et ceux qui pourraient l’innocenter.

L’instruction « à charge » consiste à examiner tous les faits, témoignages et indices susceptibles d’établir une responsabilité pénale. L’instruction « à décharge », quant à elle, impose de vérifier tout ce qui pourrait exclure cette responsabilité. Ces deux démarches sont menées simultanément afin de garantir l’impartialité de la justice.

Dans l’affaire Émile, la garde à vue du mois de mars dernier s’inscrivait dans cette logique. À ce stade, les enquêteurs avaient l’obligation de vérifier toutes les hypothèses, y compris les plus graves. Une fois ces vérifications effectuées, aucun élément suffisant n’a permis d’établir un lien entre les proches de l’enfant et une infraction pénale. La loi impose alors de basculer vers la phase dite « à décharge », ce qui explique leur statut actuel de parties civiles.

Au final, il ne s’agit pas d’un revirement ou d’un changement d’avis de la juge d’instruction. Il s’agit simplement du fonctionnement normal de la justice, qui avance par étapes, vérifie chaque piste et s’efforce de trancher uniquement sur la base de faits établis. Dans une affaire aussi sensible et douloureuse, ce principe reste l’une des garanties essentielles de l’État de droit.

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