Enfants tondus en foyer : quand le flou juridique ouvre la porte à l’inacceptable

Publié : 9h15 par Alicia Méchin

Crédit image: Pixabay

Ces derniers jours, des révélations sur des cas de maltraitance en foyer éclatent. Des enfants sont « tondus » en guise de punition.

En février dernier, dans un foyer accueillant des enfants placés, des éducateurs se sont filmés en train de raser la tête d’un garçon de huit ans pour le punir. Une scène d’une violence symbolique extrême, largement relayée et condamnée. Mais loin d’être un cas isolé, cette pratique semble révéler un malaise plus profond : hier encore, deux nouveaux cas d’enfants tondus ont été signalés dans un autre foyer parisien. La justice est désormais saisie.

Mais comment un acte aussi violent et absurde peut arriver dans un lieu censé protéger les enfants ?

Pour comprendre, il faut se pencher sur le cadre juridique qui régit les foyers de l’Aide sociale à l’enfance. Ces établissements sont encadrés par le Code de l’action sociale et des familles (CASF). Sur le papier, le texte est clair sur un point essentiel : toute forme de violence, d’atteinte à la dignité ou d’humiliation est strictement interdite. Les enfants doivent être protégés, respectés et accompagnés.

Mais derrière cette affirmation de principe se cache un problème majeur, largement méconnu du grand public : le CASF interdit tout, mais n’encadre presque rien. Contrairement à d’autres institutions comme l’Éducation nationale ou l’administration pénitentiaire, la loi ne précise jamais quelles sanctions éducatives sont autorisées ni dans quelles conditions elles doivent être appliquées. Il n’existe aucune liste officielle, aucune procédure écrite, aucun cadre commun.

En pratique, cela signifie que les éducateurs se retrouvent seuls face à des situations souvent complexes, avec des enfants parfois en grande détresse psychologique. Faute de règles claires, chacun improvise selon sa propre conception de l’autorité et de la discipline. Ce vide normatif ouvre la porte à des dérives graves, où des actes illégaux peuvent être perçus, à tort, comme des « réponses éducatives ».

Un second flou juridique aggrave encore la situation : celui du contrôle des établissements. Le CASF prévoit bien que les foyers sont soumis au contrôle du département. Mais la loi ne fixe aucune fréquence obligatoire pour ces contrôles. Il n’existe ni inspections annuelles imposées, ni visites inopinées systématiques. Concrètement, un foyer peut fonctionner pendant des années sans qu’aucune autorité extérieure n’observe réellement le quotidien des enfants et des équipes.

Ce manque de supervision favorise l’installation de pratiques abusives, qui peuvent perdurer sans être détectées ni signalées. Les enfants, souvent déjà fragilisés, sont alors les premières victimes de ce système défaillant.

Au final, ces affaires ne relèvent pas uniquement de comportements individuels condamnables. Elles révèlent un problème structurel : un cadre légal qui combine un vide total sur les sanctions autorisées et une absence de contrôles réguliers. Tant que ce flou juridique persistera, il continuera de créer les conditions permettant à des pratiques illégales et violentes de s’installer dans des lieux pourtant censés garantir la sécurité et la dignité des enfants.

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