Mondial de football : le risque de l'addiction aux paris sportifs

9 décembre 2022 à 10h36 par Étienne Escuer

Santé Publique France a lancé une campagne de sensibilisation.
Santé Publique France a lancé une campagne de sensibilisation.
Crédit : Santé Publique France

Alors que les paris sportifs se multiplient pendant la coupe du monde de football, focus sur le risque d’addiction.

Difficile de passer à côté du matraquage publicitaire ! La coupe du monde de football est une aubaine pour l’industrie du pari sportif, en fort développement ces dernières années. L’an dernier, on comptait 4,5 millions de parieurs selon l’Autorité nationale des jeux. Un loisir qui peut rapidement devenir une addiction. « On parle souvent des addictions avec substances mais les addictions comportementales sont des phénomènes courants », explique Lauriane Aleton, psychologue au sein du binôme addiction sans substance à l’Association ligérienne d’addictologie, basée à Angers. Comment peut-on déceler une addiction ? « C’est le fait de n’être plus en capacité de s’arrêter alors qu’on est en difficultés financière, familiale, professionnelle », confie Blandine Merceron, assistante sociale au sein du même dispositif.


Des conséquences sur le quotidien

L’addiction n’est pas sans conséquences sur la vie de tous les jours. « En termes de temps, cela va impacter les autres investissements sociaux ou familiaux. Et au niveau psychologique, il y a une tension, une gêne, un mal-être », détaille Lauriane Aleton. « La personne n’est également plus capable de maitriser ses dépenses financières et il peut y avoir des conflits dans un couple à ce sujet. » Les joueurs peuvent tomber dans une spirale infernale, avec la volonté de vouloir « se refaire » pour récupérer l’argent perdu, via des sommes investies toujours plus grandes ou des paris plus risqués.

 

Que faire si l’on pense souffrir d’une addiction aux paris sportifs ? « La première chose, c’est de ne surtout pas rester seul. Il faut mettre des mots et en parler à quelqu’un de confiance », indique Blandine Merceron. « Que ce soit l’entourage, ou via des sites comme joueurs-info-service ou SOS-joueurs, qui peuvent orienter vers des centres de soin comme les CSAPA. » Il n’y a cependant pas de protocole type pour sortir de l’addiction. « C’est un travail d’équipe », rappelle Lauriane Aleton. « La personne va avoir ses ressources, va travailler sur les sources qui ont amené à la dépendance, et nous on va l’accompagner. Il y a aussi le rôle de l’entourage qui est important ». « Le travail, le sport, voir les copains, ça va aussi éloigner la personne du besoin de jouer », complète Blandine Merceron.

 

Difficile de dresser un portrait-type du joueur addict, tant l’essor des paris sportifs ces dernières années a touché une partie de la population de plus en plus large. « On est plutôt sur un homme d’une trentaine d’années avec des revenus réguliers », confie Blandine Merceron. « Mais les publicitaires vont aller chercher des publics beaucoup plus jeunes et tentent de démocratiser le pari au féminin. »


Matraquage publicitaire pendant le Mondial

Le matraquage publicitaire, qui plus est pendant la coupe du monde, exaspère particulièrement l’assistante sociale et la psychologue de l’Alia. « Réseaux sociaux, panneaux publicitaires, radio, télé : on ne peut pas passer pas à côté », regrette Blandine Merceron, qui appelle à mieux réglementer le secteur. « La publicité pour l’alcool et le tabac est interdite dans les stades ou sur les maillots des joueurs depuis très longtemps. On espère qu’elle le sera aussi pour les jeux de hasard et d’argent. »

 

Lauriane Aleton insiste en tout cas sur la bienveillance à garder auprès des personnes qui souffrent d’addictions. « Elles ont souvent beaucoup de honte et de culpabilité, et cela peut les aider à investir des lieux de soin. Car sur tous les joueurs pathologiques qui existent en France, moins de 10% accèdent aux soins. Il y a un travail aussi à faire sur les représentations sociales », conclut la psychologue.