La santé mentale chez les plus jeunes continue de se dégrader

19 avril 2024 à 14h55 par Hugo Harnois

La santé mentale chez les jeunes - Photo d'illustration
La santé mentale chez les jeunes - Photo d'illustration
Crédit : Pixabay - Libre de droit

Alors que le Covid-19 est derrière nous depuis maintenant plusieurs années, la santé mentale chez les plus jeunes n’arrive toujours pas à retrouver des couleurs.

Les tentatives de suicide chez les jeunes adultes continuent d’augmenter. D’après le dernier baromètre dévoilé par Santé Publique France, les pensées suicidaires ont même été multipliées par deux depuis 2014 chez les 18-24 ans. Des chiffres qui se vérifient également dans l’étude « Prisme », réalisée sur 2000 étudiants bordelais entre septembre 2022 et février 2023. Dans celle-ci, on remarquait 26% de cas dépressifs avant le Covid, contre 41% après l’épidémie. Même résultat pour les pensées suicidaires qui ont augmenté de pratiquement 10 points. « Ce sont des chiffres très alarmants qui montrent que le Covid n’est pas passé », explique Christophe Tzourio, épidémiologiste, médecin et neurologue à Bordeaux, notamment à l’origine de cette étude.

 

Les jeunes souvent les plus impactés 

Si ces récents résultats se basent exclusivement sur des étudiants Bordelais, Christophe Tzourio assure que ces chiffres peuvent s’appliquer à l’échelle nationale : « on utilise des méthodes de redressement d’échantillonnage, comme le font ceux qui réalisent des sondages politiques. C’est-à-dire qu’on redresse nos chiffres sur l’ensemble des étudiants en France, et il n’y a pas de raison de penser que les étudiants bordelais soient différents des autres. »

Ce n’est une surprise pour personne, la récente épidémie mondiale a eu un très fort impact sur la santé mentale des populations, et particulièrement des plus jeunes. « On sait bien que lorsqu’il y a de grandes épidémies comme cela, ce sont les segments de la population les plus fragiles qui vont être les plus impactés, donc principalement les adultes jeunes et les étudiants. C’est pour ça que l’on a continué nos enquêtes », abonde le docteur.

 

Une société en multi-crises 

À l’époque du Covid, un profond sentiment de solitude avait alors été ressenti par bon nombre d’étudiants. Christophe Tzourio assure que cette sensation peut « être vue comme paradoxale, puisqu’on s’imagine les étudiants dans les campus, très nombreux, à se rencontrer. Mais certains connaissent très peu de monde dans leur promo. Et leurs interactions se sont arrêtées à un moment essentiel pour eux. Car c’est à ce moment-là qu’on se construit notre personnalité, notre façon dont on se comporte avec les autres, les rapports de séduction. Et de ça, ils en ont été privés, alors que c’était à un moment essentiel de leur développement. » Néanmoins, le Covid a toutefois permis de libérer la parole des plus jeunes sur leur moral, et notamment celle des garçons, qui ont toujours eu un peu plus de mal à parler de leurs émotions.

Si on comprend bien pourquoi les jeunes adultes avaient le moral au plus bas durant les confinements, pourquoi ne parviennent-ils pas à aller mieux aujourd’hui ? « Parce ça ne passe pas si facilement que cela », informe le neurologue. Le traumatisme en lui-même est important, et vient se surajouter à tout un contexte préexistant. » Comme la précarité et les incertitudes économiques des sociétés, toutes les questions environnementales très importantes pour ces jeunes générations, ou encore les différents conflits mondiaux.

 

Quelles solutions ?

Dans le but d’enrayer le phénomène, le gouvernement a récemment annoncé que le dispositif "Mon soutien psy" allait connaitre une sorte « d’extension », et va permettre aux jeunes d’avoir accès à 12 séances de psy gratuites. Une bonne idée, mais qui ne règlera pas le problème de fond, d’après l’épidémiologiste : « il y a beaucoup d’étapes, d’abord, c’est d’admettre que l’on ne va pas bien, le réaliser, puis ensuite, franchir le pas pour aller voir un professionnel de la santé mentale, ce qui est extrêmement complexe. Ensuite il faut qu’il y ait la ressource en face, qu’il y ait des consultations qui soient libres. Il y a donc la question des moyens, car il n’y a pas assez de psychiatres et de psychologues dans les universités, et on a beaucoup de mal à faire face. »

Au-delà du dispositif gouvernemental, pour inverser la tendance, le médecin souhaiterait donc que des campagnes de sensibilisation « massives » se multiplient et soient mises en place partout en France. Le professionnel de santé aimerait également faire parler des experts ainsi que des étudiants, et, pourquoi pas, faire des captures vidéo de leurs témoignages. Le neurologue assure enfin que les structures de soutien doivent se faire davantage connaitre auprès des étudiants, pas toujours bien informés sur la santé mentale.