Un professeur d’histoire fait revivre la ligne de démarcation en Saône-et-Loire
12 septembre 2023 à 11h35 par Guillaume Pivert
Des poteaux sont installés là où étaient autrefois implantées les anciennes barrières allemandes. Un projet mémoriel porté par un professeur d’histoire du Creusot, Sébastien Joly.
Elle a divisé la France à partir de l’été 1940 et jusqu’au mars 1944. La ligne de démarcation a profondément marqué le quotidien dans les 13 départements qu’elle traversait. Une frontière, entre une zone nord occupée, et le sud, dit libre, que Sébastien Joly s’emploie à faire connaître. Ce professeur d’histoire-géographie, président des Combattants volontaires de la Résistance (CVR), s’y intéresse depuis ses années d’études en fac d’histoire à Lyon.
« Depuis tout petit j'ai entendu des récits autour de la Seconde Guerre mondiale parce que j'ai eu un grand-oncle qui a été prisonnier de guerre, ça m'a beaucoup marqué », explique-t-il. La ligne de démarcation n’est pas qu’une frontière à ses yeux. Elle est aussi tous les témoignages qu’il a collectés pendant des années. « Des passeurs, des gens qui l’avaient franchie légalement ou illégalement, ou alors beaucoup de frontaliers, des gens qui habitaient à proximité, et leurs histoires sont toutes marquantes », détaille-t-il.
Des vies chamboulées
Le tracé de la ligne n’a pas été faite au hasard en Saône-et-Loire. « En zone occupée vous aviez toute l'industrie du département, avec notamment les usines Schneider au Creusot ou encore Châlons-sur-Saône, alors que le sud du département, qui était en zone non-occupée, était un territoire beaucoup plus rural, donc moins intéressant économiquement pour eux », analyse Sébastien Joly.
La ligne est aussi faite d’incongruité. En plus d’être un obstacle pour les habitants, Sébastien Joly rapporte que des maires sont perdus, qu’ils ne savent pas où la frontière passe dans leur commune. La vie des habitants est aussi désorganisée. Les agriculteurs, en pleine moisson durant l’été 1940, se retrouvent parfois avec des champs en zone occupée et leur exploitation en zone libre.
Pour entretenir les savoirs et la mémoire autour de ligne de démarcation, Sébastien Joly et son association des Combattants volontaires de la Résistance (CVR) ont décidé de la matérialiser sur l’emplacement des anciennes barrières allemandes. 12 communes sont pour l’heure équipées de poteaux en bois matérialisant la ligne, complétés par des panneaux explicatifs. « Faire des livres c'est une chose, faire des documentaires aussi, mais on voulait vraiment la rendre visible », résume Sébastien Joly.
Un projet mémoriel qui compte beaucoup pour lui. La ligne est connue des habitants mais la mémoire s’est un peu perdue. « Les habitants, les enfants, sont vraiment désireux d’en savoir plus, ils se rendent compte, avec les photos d'époque, que oui, en effet, la barrière, elle était là, que le hameau où ils habitent, a été occupé ou traversé par la ligne. Et puis les témoignages ou les anecdotes qu'on peut retrouver sur les pupitres rendent le tout plus vivant », dit le président du CVR.
Une initiative qui plaît dans les départements voisins de l’Allier et du Jura qui eux aussi ont été traversés par la ligne de démarcation.