Humains, robots et IA au service de la restauration de la Grande Barrière de corail

Publié : 14h33 par Rubens Constantino

Crédit image: Unsplash / Yanguang Lan

En Australie, humains, ingénieurs et intelligence artificielle unissent leurs forces pour restaurer la Grande Barrière de corail. Une technologie révolutionnaire, le DGS, permet désormais de déployer des coraux à grande échelle.

La Grande Barrière de corail est un géant blessé. Fragilisée par le réchauffement climatique, les épisodes de blanchissement successifs et les tempêtes tropicales, elle a perdu une grande partie de sa vitalité au cours des dernières décennies. Face à l’ampleur du défi, une question s’est imposée : comment restaurer un écosystème aussi immense sans des moyens technologiques hors norme ? C’est dans ce contexte qu’est né le Programme de restauration et d’adaptation des récifs (RRAP), une collaboration unique réunissant l’Australian Institute of Marine Science (AIMS), plusieurs universités, des ingénieurs spécialisés en robotique, des écologues et des communautés locales. Ensemble, ils travaillent à mettre au point des outils capables de redonner vie aux récifs, corail par corail.
Parmi ces innovations, un système attire particulièrement l’attention : le Deployment Guidance System, ou DGS. Cet outil combine robotique marine, intelligence artificielle, vision sous-marine et données scientifiques accumulées depuis des années. Le principe est de maximiser les chances de survie des jeunes coraux en les déposant précisément aux endroits où ils peuvent s’accrocher, croître… puis repeupler les récifs.

Ainsi, depuis quelques années, les équipes du RRAP produisent déjà des centaines de milliers de jeunes coraux en aquaculture, avant de les fixer sur de petits dispositifs en céramique. Mais jusqu’ici, le déploiement restait dépendant de navires de recherche coûteux et d’opérations humaines longues et délicates. C'est là que le DGS change tout. Avant même d’arriver en mer, le système analyse les zones propices grâce à un modèle informatique nourri par les écologues récifaux. Une fois sur site, l’IA prend le relais : caméras subaquatiques, analyse en temps réel du relief du fond marin, choix du moment exact où libérer les dispositifs d’ensemencement… Le tout pour garantir que chaque petit corail ait les meilleures chances d’atteindre l’âge adulte. Le Dr Ben Moshirian, ingénieur en charge du projet, insiste : « Nous n’utilisons pas une seule technologie, mais une chaîne complète d’outils intégrés. Le but n’est pas d’aller vite, mais d’être précis, efficace et de pouvoir déployer à grande échelle. ». Et cette précision est essentielle. Au-delà du geste technique, c’est un changement d’échelle qui se joue. Là où une équipe humaine pouvait déployer quelques centaines ou milliers de dispositifs par mission, le DGS pourrait en placer des dizaines de milliers en un temps record, et sur des zones bien plus étendues. Pour l’instant, les essais se poursuivent à bord de petits navires équipés, mais l’objectif est ambitieux : permettre un jour au DGS d’opérer depuis des navires autonomes, sans équipage, capables de parcourir d’immenses zones sans mobilisation humaine permanente. Cela ouvrirait la voie à des collaborations inédites : opérateurs touristiques, entreprises maritimes, communautés autochtones, tous pourraient participer à restaurer la barrière grâce à cette technologie embarquée.

Ne pas remplacer l'humain

Pour autant, le projet n’efface pas la dimension humaine. « C’est là toute la magie : réunir des personnes de mondes très différents, des ingénieurs aux écologues en passant par les communautés locales », explique le Dr Moshirian. Car la restauration d’un récif n’est jamais qu’un geste technique ; c’est aussi une affaire de culture, de territoire et de transmission. L’avenir du DGS repose sur un apprentissage continu. Plus les scientifiques déploient et observent les jeunes coraux, plus l’IA s’améliore, ajuste ses modèles et perfectionne sa compréhension du récif. Une boucle vertueuse qui pourrait transformer la manière dont nous protégeons les écosystèmes marins.

À terme, cette alliance entre humains et machines pourrait devenir l’un des outils les plus puissants pour aider la Grande Barrière à se régénérer. Une promesse technologique qui, loin de remplacer le travail humain, le démultiplie. Et surtout, une lueur d’espoir pour l’un des trésors naturels les plus précieux du monde.